Jazz (s) à Trois-Palis 2023 #1

Impérial quartet – « All Indians ? » – 15 septembre – 17h – foyer communal à Trois-Palis.

Joachim Florent, contrebasse

Gérald Chevillon, saxs

Damien Sabatier, saxs

Antonin Leymarie, batterie

Démarrage en swing spartiate, la batterie déterminée se marie aisément au tempo de la contrebasse, l’incrustation des saxs balance un souffle gourmand, aux saveurs épicées, les chants tour à tour entremêlés et parallèles ; ça n’est que le début d’une course effrénée, maracas métalliques pour le battement un peu satanique, la contrebasse de Joachim Florent sillonnant l’ouvrage. La transe amplifie le rythme, folie organisée d’où jaillit la voix violoneuse aux pulsations cardiaques. Les uns renvoient aux autres avec souplesse et sensualité, tout s’envole nous avec, emportés dans ce riche et joyeux tourbillon collectif.

La batterie d’Antonin Leymarie roucoule de plaisir, les saxs s’entendent harmonieusement pour la joie de conciliabules ludiques :  les deux musiciens font chanter leurs instruments, dansent avec eux, leur redonnent leurs gammes, les chatouillant pour les écouter chatoyer. Le plaisir du plaisir !…

L’espace se remplit de musique, pleinement et pousse le son jusqu’à entendre sa jouissance – et je reste polie.

Quelques clochettes entrent dans une sorte de danse rituelle avec la batterie en percussion, et les saxs se balkanisent toujours généreux dans leurs envolées mais soucieux d’alterner avec dextérité puissance, tonicité, et douceur hypnotisante d’ailleurs… Il semblerait que le sax soprano soulève un serpent ; la respiration circulaire est nécessaire pour les circonvolutions, et la puissance du quartet est intelligente. Nous sommes totalement embarqués dans leurs somptueuses turbulences. Quant à l’accalmie, elle laisse un bel écho de cet ouragan fantastique, ode ou remerciements aux éléments déchaînés ou bien soif délicate d’en re-découdre avec la fureur musicale.

Trois d’entre eux laissent place aux éclairs de tam-tam afro de la batterie pendant que le tambourin se met à encourager Antonin Leymarie, au toujours plus que celui-ci s’empresse d’honorer.

Le sax s’enroule comme une une liane enjoleuse et dévorante sur le morceau, on voit les pousses l’enlacer engageant les trois autres musiciens à suivre ses lacets, le sax de Gérald Chevillon alors plus désespéré lance une élégie, le son s’y prête bien sûr, saveurs, sucs.

Les saxs se marient à merveille, douces polyphonies pour une sorte de ballade, et la finesse du sillon tracé par la contrebasse les éclaire.

La scansion de la batterie est le lieu d’une cérémonie que les trois chants des autres musiciens célèbrent. Ils en extirpent tous un frémissement, un pouls frêle et curieux, la vie qui irradierait de plus en plus fort, soulevant les artères.

Frôlement métallique d’élytres, le sax de Damien Sabatier s’insurge, un brin fondeur, vite rattrapé par le compagnon de route, il double aussi en même temps l’instrument par son sopranino, un souffle pour deux voix : le sax de Gérald Chevillon frétille et appelle à son tour le duo. Ils nous entraînent tous dans une fanfare virevoltante, chaos cahotant en final, toujours en contre-temps bien sûr, tempo maintenu, délicieuse et apparente cacophonie !

Encore une ballade insolite, à trois pieds, une contrebasse aux assauts arrondis, mais pour commencer, parce qu’en émerge ensuite une nouvelle transe, danse rituelle chamanique, l’instrument en témoignerait, inquiétant, intrigant…

Réveillez les morts, agitez les âmes, sortez vos os de leur poussière, dansez, exorcisez, nom de D. Terre ocre, poussières ancestrales, procession d’outre-tombe, hymne à la vie, en fait ! Fête des sens, melting pot new orleans… Feu d’artifice permanent, en quelque sorte bien conscient de son éventail arc-en-ciel, de ses nuances colorées.

Par Anne Maurellet, photos Frédéric Boudou

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