Haïm Isaacs – Joni Mitchell In Jerusalem

Haïm Isaacs : voix, direction artistique
Frédéric Reynier : piano, percussions
Yann Lou Bertrand : contrebasse, trompette, chœurs
Jules Lefrançois : batterie, tuba, chœurs
Matthieu Beaudin : accordéon électrique
Michèle Pierre : violoncelle
Sortie remarquée en mars dernier sous le label L’Autre Distribution d’un bien bel album : Joni Mitchell in Jerusalem, de Haïm Isaacs. Mais que l’on ne s’y méprenne pas ; il ne s’agit pas là d’un tribute comme tant d’autres, mais d’une véritable création originale, en forme de déclaration d’amour à la songwriter et chanteuse anglosaxonne, icône de la folkmusic dans les années 70 et toujours très active sur la scène artistique, qui a donné un concert exceptionnel au Newport Folk Festival en 2023 à près de quatre-vingts ans.
Haïm Isaacs, né à New York, a grandi à Jérusalem. La découverte des chansons de Joni Mitchell fut un véritable choc émotionnel et artistique : « J’ai découvert Joni chez ma voisine de palier à quinze ans. Mon frère dit que je suis né ce jour-là […] dans les années 70 sa musique m’a accompagné inlassablement en Israël à travers les rues de Jérusalem, de Jéricho, de Bethléem et dans le désert du Sinaï. Aujourd’hui encore je demeure ébloui devant sa musique ».
Après une formation musicale classique, le début de sa vie professionnelle en France marqué par quinze années de participation à l’aventure du Roy Hart Théâtre, il est installé à Paris où il compose, pratique l’improvisation et enseigne la voix. Depuis 2020, il célèbre sa passion pour l’œuvre de Joni avec un sextet de jazz. Il porte sa voix chaude aux paroles ciselées, entouré de Frédéric Reynier (piano, percussions), Yann-Lou Bertrand (contrebasse, trompette, chœurs), Jules Lefrançois (batterie, tuba, chœurs), Matthieu Beaudin (accordéon électrique), Michèle Pierre (violoncelle).
Un album en forme d’errances heureuses, image d’un fou chantant offrant aux vents les paroles des chansons de Joni Mitchell au gré de ses pérégrinations sur les routes du Moyen-Orient. Ce sont les souvenirs du jeune H que chante Haïm et dont nous découvrons le récit dans le livret qui accompagne le cd. C’est une mémoire vivante des textes chantés, intimement liée aux paysages traversés ; réinterprétation des songlines pratiquées par les aborigènes d’Australie (voir à ce sujet le superbe récit Le chant des pistes, de Bruce Chatwin). Cet opus est l’aboutissement de vingt années de réflexion et quatre de concerts à travers la France. C’est aussi une démarche introspective aux accents mystiques, un hommage déférent qui revisite dix titres de la chanteuse soigneusement sélectionnés entre son deuxième album (Clouds, 1969) jusqu’à la compilation Dreamland (2004) en passant par les galettes emblématiques de la décade 1970, 1980. Que l’on soit connaisseur de l’œuvre de Joni Mitchell ou non, on se laissera emporter par la voix envoûtante et les arrangements acoustiques sophistiqués de l’album, et l’on sera tenté parfois de retourner à la source.
Dès le premier morceau Chelsea Morning (de l’album Clouds, 1969), le ton est donné : le chant de Haïm à la parfaite élocution accompagné de percussions nous entraîne dans une ballade que rythment les pas du marcheur. On se sent bien. Enchaînement avec Blonde in the Bleachers (For the Roses, 1972) : belle ballade mélodique introduite au piano et portée par des polyphonies envoûtantes. Suivent deux morceaux fascinants, Little Green (Blue, 1971) et Marcie (Song to a Seagull, 1968), magnifique travail vocal en modulations, le chant de Haïm sur un fil, une ambiance aérienne riche de mystères ; Marcie susurré dans le vent du désert avec en toile de fond le superbe travail du violoncelle de Michèle Pierre, nous sommes là emportés bien loin et haut. Jericho (Don Juan’s Reckless Daughter, 1977) aux cordes frottées ombrageuses de la contrebasse de Yann Lou Bertrand et au tempo de la marche en avant, toujours et en tous lieux ; rythme entretenu dans All I Want (Blue, 1971), une brève et belle pièce portée par des percussions inventives. Puis l’un des morceaux emblématiques de l’album Hejira sorti en 1976 avec à l’époque la basse de Jaco Pastorius : Black Crow, à la présence magnifiée, rêve d’errances infinies dans un ciel menaçant. A la suite vient Dreamland (Dreamland, 2004), la trompette de Yann Lou Bertrand accompagnant la voix allègre de Haïm dans une mélodie entraînante. Voix suspendue comme un souffle dans A Case of You (Both Sides Now, 2000), rivière qui emporte nos rêves. Dernier voyage dans les textes de Joni Mitchell, un magnifique instrumental tiré de Cherokee Louise (Night Ride Home, 1991), un dialogue piano contrebasse au rythme d’une marche joyeuse. Enfin, Lo Rotsa Laredet est une belle composition de Haïm Isaacs chantée en hébreu ; polyphonies accompagnées au piano sur des accents mineurs, un épilogue tout en élégance.
En bref, un bien joli album foisonnant d’inventions rythmiques, porté par le chant envoûtant de Haïm Isaacs, une introspection intimiste qui renvoie à l’universel des passions adolescentes, une réinterprétation inspirée des compositions de Joni Mitchell toute en élégance qui invite à se replonger dans nos propres souvenirs. Prochaine date de concert : au festival A toutes vapeurs, à Olivet près d’Orléans, le 18 octobre prochain.
Par François Laroulandie
L’Autre Distribution
https://www.facebook.com/JoniMitchellaJerusalem
Galerie de pochettes de Joni Mitchell © :








