Abbaye de Puypéroux, vendredi 1er juillet 2022

Over the Hills – Bruno Tocanne/ Bernard Santacruz
Hommage à Carla Bley et Paul Haines

 Jean Cohen, saxophones
Sophia Domancich, piano
Alain Blesing, guitare
Rémi Gaudillat & Fred Roudet, trompette, bugle
Antoine Lang, voix
Bernard Santa Cruz, contrebasse
Olivier Thémines, clarinettes
Bruno Tocanne batterie

Frôlements d’ailes, piano et batterie décollent avec légèreté, ils sont rejoints par l’ensemble pour une marche solennelle, mais quelques notes de Bernard Santacruz font dégringoler l’édifice, foutraque comme pour anarchiser un instant le morceau. Et puis, ça cadence, tournant en valse dérisoire qui laisse émerger d’outre-tombe la voix d’Antoine Lang et nous entraîne dans un opéra de quelques sous… à la nostalgie déjantée où ils se glissent tous comme pour le célébrer ou s’en nourrir. Hommage à Carla Bley s’entend.

L’ambiance faite musique : sax et clarinette chuintent pour donner le ton, les instruments s’expriment à la fois indépendants et impliqués dans le groupe. La trompette gémit avant d’accéder à sa gourmandise et exploiter sa plainte avec grâce… Les instruments se répondent comme des oiseaux se déplaceraient dans le ciel, se croisant, se superposant, tentant de s’éloigner.

Le piano de Sophia Domancich, après une construction tout contemporaine, laisse l’orchestre  et le chanteur faire le crooner, la liberté s’autorise par l’humour, oui, les instruments s’amusent parfois, mais construisent constamment une partition forte, à la composition multiforme.

La voix traverse de longs corridors sinueux, encouragée à ralentir ou accélérer puissamment par les musiciens.

C’est une musique suspendue, à la modernité folle, débridant les sons, les instruments, la rythmique pour en saisir le riche chaos devenu mélodie exultante, tendre aussi, toujours déplaçant le sens, la raison. Des sons dis-harmonieux font harmonie pour qui sait les associer, les croiser, les faire… parler !

La voix gassouille, gribouille, griffe pendant que les autres l’entourent. Trompette et sax se sont mis à frétiller, tressauter, et les voilà en forme de fanfare dégingandée annoncer la trompette pour qu’elle fasse son show. La voix les ramène habilement au swing. Opéra à plusieurs étages, échelles multiples grimpant dans les cieux tantôt aux nuages apaisants, tantôt aux bourrasques tumultueuses.

Intro plus classique au piano, presque “ sage”, mais dont la répétition des accords devient poétique. Les vents appellent la voix et ses phrases oniriques, et chantent avec elle. C’est une épopée… C’est autour du sax d’exciter la voix, enrobant, aigu, virulent. Les autres le submergent peu à peu lui autorisant juste un chant du cygne.

Le piano est amplifié par l’électro comme pour le désarticuler. Pousser les instruments dans leur retranchement pour jouer avec eux aussi. La voix elle-même se transforme en eau coulant difficilement d’un robinet, la guitare d’ Alain Blesing tente de dérailler elle aussi, quelque chose de la déliquescence, de la descente aux enfers, la traversée de l’obscur, un désespoir en quête de solution, « afterday », afterday.  La guitare grince… des dents !

Final au contraste des trompettes ponctuant le rythme pour mettre en valeur sax et clarinette en goguette, la voix et les instruments finissent de concert tout d’abord, pour partir ensuite comme des feux follets ivres d’Over the Hills. La trompette pousse à son tour son dernier cri.

Par Anne Maurellet, photos Alain Pelletier


Agathe Iracema Quartet

Agathe Iracema, voix
Leonardo Montana, piano
Christophe Wallem, contrebasse
Stéphane Adsuar, batterie

Bel ensemble. La chanson de Piaf coule délicieusement sous la prononciation délicatement colorée d’Agathe Iracema, pierre précieuse sans aucun doute. Joli tempo illustrant la gravité légère de ces mots d’amour.

Sa voix sucrée et délicate est énergiquement accompagnée par un piano volubile, une contrebasse énergique et sûre, et une batterie efficace.

Il faut se laisser bercer par ces standards agréablement et habilement revisités, swinguant tous avec les camaïeux brésiliens.

Agathe et ses musiciens mêlent l’atmosphère enfumée envoûtante du cabaret où chantaient les divas de la soul aux notes subtilement ensoleillées de son pays. On se laisse tenter. Son visage mobile ajoute à l’expressivité de son chant.

Par Anne Maurellet, photos Alain Pelletier

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