Samedi 29 juin 2024 – Abbaye de Puypéroux – Montmoreau
Philippe Parant & William Lecomte

Philippe Parant, guitare
William Lecomte, piano
On entre en étrangeté dès les premiers accords malgré le ton soyeux du piano de William Lecomte, la guitare lance sa plainte comme un gémissant élégant, le temps se répand entre les notes, Après un rêve, Fauré en filigrane.
Alors place au swing, boogysant, plutôt épuré, le duo favorise un tracé stylisé, un sens poussé de la maîtrise ; le piano prend des teintes lyriques. Les deux dialoguent, complices. Fausse route ?
Des notes cristallines pour une mélodie brésilienne en hommage au musicien Toninho Horta, à la nostalgie veloutée en robe du soir, danseuse à la gestuelle ralentie pour mieux convaincre, séduire. L’extrême précaution du piano s’approche d’elle, effleurements.
Une esquisse de bossa entraînante se dessine. Les deux s’entrelacent dans une exécution parfaite. Dextérité sans conteste.
Suit une musique à se poser sur un lac, tels deux oiseaux entamant une danse en glissant sur l’eau, roseaux pour terrain de jeu avec pluie fine sur nénuphars pour tenter de perturber les libellules légères, les petits insectes changeant de direction, une fantaisie en notes sursautantes, rippantes, surfantes sur l’onde. Et puis s’en vont… Pourtant c’est le portrait de Papy à la piscine !
Tourments consentis, une énergie constante pour cette composition de William Lecomte, une conversation intérieure pour manifester l’Orage des sens.
La sensibilité, les nuances précieuses de Philippe dans ses compositions transparaissent à fleur de doigts, du cristal, et le toucher de William sait lui répondre ! Le Petit Boléro est donc une magnifique mélodie aux accents chauds : elle se déploie dans la grange. Nous Respirons encore, séduits.
Sur un fil ou à la pointe, les crêtes en tous cas d’un imaginaire, nombreuses et porteuses de variations infinies, finement balayées par une brise, saupoudrées d’épice brésilienne pour un coraçao fragil…
Les expressions sur le visage de Philippe Parant sont autant de subtilités de son jeu…Quoi qu’il arrive. Les oiseaux charmés sur la charpente de la grange se sont mis de la partie…
Suit un hommage à Bill Evans dans une composition de William n’ayant de cesse de broder de manière exponentielle autour d’un splendide chorus.
Petit intermède pour remercier les oiseaux de participer avec autant de ferveur…Le retour aux sources des eaux chaloupées brésiliennes, fil d’Ariane du concert, dans l’ambivalence d’une tristesse et d’une lumière, intimement mêlées, trouve son acmé, tempo marqué, pied qui tape le sol en signe de caractère.
La fuite en avant, morceau dédié à un cher disparu, est l’accélération continue, la précipitation de vivre au risque de se brûler. Les deux musiciens s’articulent encore pour cette course à l’issue possiblement fatale.
Anne Maurellet, photos Alain Pelletier
Pierre de Bethmann Quartet « Credo »

Pierre de Bethmann, piano
David El-Malek, saxophone
Simon Tailleu, contrebasse
Antoine Paganotti, batterie
Pierre de Bethmann déraille d’emblée les accords du piano, une gamme et le quartet s’élance. Le swing se dégage peu à peu, un sax sobre et somptueux prend la main bien encadré par la batterie et la contrebasse. Les accords de Pierre ponctuent parfaitement les brillants développements du sax de David El-Malek. Montée en structure et complexité de David -comme on aime- il densifie à l’envie ! Pierre lui répond avec la même intensité. On est dans le vif du jazz. Vouloir, c’est tout.
Pierre édifie une cathédrale, en dentelles que la batterie d’Antoine Paganotti souligne parfaitement. Pierre de Bethmann, c’est jazz et contemporanéité, et l’entrée en swing qu’il amorce pour appeler ses compagnons donne tout le plaisir que nous avons à les entendre partager. La batterie d’Antoine sait relever, faire rebondir, absorber, suspendre le tempo.
Le jeu de Pierre creuse les pulsions du jazz, ses spasmes, son harmonie, sa cacophonie, à condition que le son découpe l’espace de toutes parts, en toutes pièces. Alors ça livre un swing riche, rebondissant, à l‘Eternel détour ? Le sax de David perce, renaissant de ses cendres encore chaudes, puissant, brûlant, intransigeant à lui-même, vibrant, constructif, obstiné, traquant son propre son, et même s’ils redescendent tous quatre pour finir, nous jubilons encore.
Quelques notes par la main gauche de Pierre, il amène souvent l’étrange, une quatrième dimension, celle de la musique qui passe par une fissure, l’écarte et se libère d’un carcan. Ainsi la contrebasse avance à pas étonnants, le morceau semble hanté, les accords languissants, répétitifs, maladifs, soutenus par une batterie ensorcelante. Le sax fait des gammes désespérées, le piano chouine, un temps consacré au Merveilleux.
Morceau cadencé, ô jazz suspends ton tempo et rattrape-le, fais jouer ton swing comme une balle inégalement rebondissante. Nous, dans la grange de Respire jazz, nous sommes heureux de tout cela… D’ailleurs, le sax n’a pas l’air de se plaindre et joue aussi, dribble, pendant que la batterie, la contrebasse et le piano se déplacent dans l’espace pour le suspendre, le dépasser, repartir, tourner autour.
On n’aurait pas pensé écrire sur la sensualité d’une batterie, et pourtant… Pierre s’envole dans le swing, serré, nerveux, cérébral et explosif ! comme le solo de la batterie, flamboyant ! PFH (Putain de facteur humain).
Un blues dit-il, d’aujourd’hui alors, exigeant, inquiet, cabossé. La contrebasse en trace les stigmates, le sax dessine dans le ciel de grands sillons blancs, fins et qui s’étendent peu à peu, se croisant, se coupant, zébrant nos âmes rêveuses de bonheur. Une musique emplissant la grange d’une superbe et complexe structure musicale au demeurant jouissive.
Anne Maurellet, photos Alain Pelletier
Orchid Big Band « Eclosion »

Thomas Julienne (direction)
Olga Amelchenko (saxophone)
Jeanne Michard (saxophone)
Julien Dubois (saxophone)
Lisa Cat-Berro (saxophone)
Julien Desforges (saxophone)
Christelle Raquillet (flûte)
Olivier Gay (trompette)
Yves Lecarboulec (trompette)
Anouchka Marot (trompette)
Louis Gachet (trompette)
Flora Bonnet (trombone)
Jessica Simon (trombone)
Gabrielle Barbier Hayward (trombone)
Sébastien Llado (trombone)
Clément Simon (piano)
Solène Cairoli (contrebasse)
Gaétan Diaz (batterie)
Jean-Loup Siaut (guitare)
Solène Cairoli (basse)
Il n’est pas vraiment possible de caractériser chacun des dix-neuf talents d’Orchid Big Band, mais rien n’empêche de se réjouir en constatant qu’ils ont maintenu un lien post Covid sous cette forme. Au contraire, l’originalité de leurs compositions traverse les morceaux, la touche de chacun faisant l’excellence du groupe. Vagues, ici et là, délicatement déferlantes, paysages variés, toujours une grande qualité d’exécution, des mariages heureux, une orchestration impeccable. Tous pour tous ! Fine bande, devrait-on écrire… Quel ensemble ! Tous pour tous !
Nous avons beau être le 29/06/2024, la musique doit avoir un bel avenir !
Anne Maurellet, photos Alain Pelletier
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