Étienne Manchon Trio – Weird Life

[COUP DE CŒUR] Créateur et musicien inépuisable, Étienne Manchon est un jeune pianiste, claviériste et compositeur surdoué, qui jouit d’une imagination débordante, ce qui lui permet de vivre en parallèle diverses expériences au sein de formations dont les musiques sont à chaque fois d’une folle inventivité, et assorties d’un humour vif qui est aussi sa marque.

Étienne Manchon s’est (provisoirement) libéré des tentacules irréfutables de la pieuvre dévoreuse d’huître en peluche, afin de rejoindre ce trio qui compte tant pour lui. Il le forme depuis longtemps avec ses fidèles amis Clément Daldosso à la contrebasse et Théo Moutou à la batterie, aux percussions et au chant. Des musiciens de grande classe qu’on s’arrache un peu partout, facile à comprendre en les écoutant.

Le format à trois, c’est un retour à des sources qui remontent à « Elastic Borders », premier disque paru en 2019 et à « Streets » qui le suivit en 2022. Les deux fort bien accueillis par la critique et qui comptaient d’illustres invités. Le trio tourna beaucoup ces répertoires, notamment sur de prestigieuses scènes telles que l’Astrada de Marciac (où ils participèrent d’ailleurs à une résidence) et à Jazz sur son 31.

« Weird Life » ne compte pas d’invité, mais la richesse musicale de ce disque, ce son collectif qui entremêle à ravir les détails que chacun sait extraire de son instrument, comme pépites d’un filon aurifère nouveau, donnent l’impression qu’ils sont bien plus de trois ! Ils font œuvre commune en nourrissant chaque morceau d’un feeling très particulier, qui s’adapte à une écriture dense et captivante, en particulier par ses changements de climats. Ressortent de tout cela des instants aux tempos trépidants, des moments plus intimistes, de la lumière et des couleurs, de l’urgence aussi, en une sorte de kaléidoscope émotionnel étonnant.

Car dans « Weird Life », les images de « l’étrange vie » de tous les jours nous sont projetées et commentées, comme dans un film « IRL » en caméra épaule où tout bouge. En effet, tout est en mouvement, la route, les trains, l’avion, le studio, l’appart, toutes les choses de la vie quoi, les piquantes, les quelquefois banales, mais qui sont là magnifiées.

Nous avons osé soutenir le « Regard noir » qui nous a impressionnés d’entrée en dévoilant la synergie magique qui lie les trois hommes ! Un piano délicieusement versatile et virtuose, autour duquel tournoient d’infimes et subtils scintillements de notes de Rhodes, le tout sur une irrésistible rythmique au speed tatoué drum’n’bass. Faussement calme, « Askja » nous a d’abord amadoués, puis la course a repris de plus belle, avec les mêmes ingrédients, l’occasion d’un bref chorus de contrebasse, avant de finir limite free bruitiste.

L’ambiance fascinante de « C’est bientôt mon anniversaire » nous a alors entraînés dans un rêve étrange à la David Lynch, les tourbillons de piano acoustique, et ses petits détails fusant de partout, étant enveloppés d’une étoffe aux plis electr-obliques mystérieux, la gravité des battements rythmiques assurant le pouls d’un cœur circonspect aux abois. Assurément l’une des pièces maitresses du disque, tout comme l’est « Road trip » en suivant. D’une humeur différente, un magnifique petit film, qui vous invite en vidéo à une promenade au creux d’une nature automnale encore ensoleillée, sereine et apaisée, à Comberouger nous dit Etienne, entre Toulouse et Astaffort. C’est beau et coloré sépia, ça sent bon la nature à la veille du repos, et vous incite à préférer les départementales aux autoroutes. L’occasion aussi de superbes chorus et d’une communion confirmée des trois compères à cette excursion aux accents romantiques.

Oui, nous nous envolons sans peine avec « Daldosse donne des ailes », hommage non feint au contrebassiste qui soutient si bien ce thème, de notes d’une profondeur élégante que taquinent les fins cliquetis de batterie new style et sont un tremplin offert au piano guilleret. Beau thème, tout comme « Seshipo » qui nous titille le cœur de ses doux questionnements. Quant au ronronnant « Patou », que voici éveillé par quelques caresses, il y a de la citation là-dedans, au moins deux, dont l’une du « Bolero » de Ravel, hommage direct en forme de musical-box à un bien joli chat très photogénique qui doit s’en étirer d’aise, nous n’en dirons pas plus…

Restent encore « Annexe 9,5 », sa souplesse, ses breaks et ses envolées romantiques à la mémoire d’un Bill Evans, sur un généreux fond rythmique de soutien au piano qui s’échappe sur un tapis sonore hallucinant. De la même veine, « Early Flight » ne sera pas oubliée, laissez-vous charmer par le clip ! Magnifique pièce dont les nappes de chœurs illuminés, engagent à s’envoler avec eux. Impression similaire pour le bien enlevé « Big up Catherine », et une belle échappée associée de Clément Daldosso et Théo Moutou.

Superbe (et seule) reprise, « Iris », signée du céleste Wayne Shorter, referme l’album (pas à clé), et son interprétation minimaliste en mode low tempo, emplie d’une spiritualité discrète, est d’une grande beauté, et confirme l’excellence de ce trio qui, outre ses goûts avoués pour le prog-rock, le new-jazz pointu, de Los Angeles à Londres, sans oublier le folk-jazz et la mouvance scandinave, sait faire honneur aux grands standards du jazz en y apportant sa touche de fraicheur et de créativité, ce qui les inscrit encore plus dans l’immortalité.

Chapeau bas et merci messieurs, ce disque a une force vitale ! Sachez que cette « vie étrange », nous souhaitons la partager avec vous, et le plus tôt possible en live !

Par Dom Imonk

Label Kiwi Production

https://www.facebook.com/etiennemanchonmusic

https://etiennemanchontrio.bandcamp.com/album/weird-life

Le concert de sortie de Weird Life aura lieu au Café de la Danse à Paris le 10 février 2025, à ne surtout pas louper, venez nombreux pour les soutenir !

https://www.cafedeladanse.com/event/weird-life-etienne-manchon-sortie-dalbum/