Jultrane – Jultrane plays John

5 étoiles
Quartet :
Julien Ndiaye : Saxophone ténor
Frédéric D’Oelsnitz : Piano
Gabriel Pierre : Contrebasse
Laurent Sarrien : Batterie
Invité :
Nicolas Folmer : Trompette (5,7,9)
Le groupe Jultrane est né en 2018, trait d’humour issu du prénom de Julien Ndiaye le saxophoniste ténor et de son admiration pour John Coltrane. Contrairement au premier opus du groupe de Julien « Création » (voir chronique dans La Gazette Bleue du 18 janvier 2024), fait de ses propres compositions inspirées de John Coltrane, sur ce nouvel album c’est vraiment un hommage reprenant des morceaux -pas les plus joués- de son illustre idole.
Julien Ndiaye, ce franco-sénégalais diplômé en « sax jazz » des conservatoires de Cannes et Nice a joué entre autres avec Stéphane Belmondo, Baptiste Herbin ou Nicolas Folmer. Outre Coltrane, le be-bop, le hard-bop, il est imprégné des sons de son pays natal le Sénégal et des musiques afro-cubaines ce qui colore son jeu et celui de son groupe. Il est entouré d’un pianiste disert : Fred D’Oelsnitz qui au-delà du jazz a été un des pianistes du groupe « Magma », de Gabriel Pierre : un contrebassiste « profond et racé » (dixit Dom Imonk à propos d’un projet personnel chroniqué dans la Gazette Bleue en juillet 2024) et du batteur Laurent Sarrien ayant partagé la scène avecSteve Grossman, Christian Escoudé ou Eric Le Lann.
L’album « Jultrane plays John » présente 1 composition de Julien : « Tristesse » et 9 arrangements de John Coltrane. On retrouve la volubilité et le côté « cash » de J.C. (pour John Coltrane dans le reste de l’article) ainsi que ses aspects plus sombres et mystiques à travers la sélection de Julien qui évite habilement les plus grands standards du monstre sacré.
Mes morceaux préférés :
« Mr Knight » extrait de l’album « Coltrane Plays The Blues » 1960 : L’entrée en matière : quelques accords tout en rondeur de Gabriel Pierre à la contrebasse devient alerte et directe avec l’entrée de la batterie et du piano, le saxo ténor de Julien déboule brut, vibrant Jultranien/Coltranien !
« Crescent » de l’album du même nom en 1964 : Entame poignante de Julien rappelant les moments sombres de Trane, puis le swing l’entraine vers des arabesques fantasques improvisées et également pour notre plus grand plaisir un long solo très habité et charnel de Gabriel Pierre inonde la plage. La batterie habile de Laurent Sarrien entretient le suspense de cette histoire soulignée au piano par Frédéric d’Oelsnitz et conclue par les volutes dramatiques de Julien !
« Wise One » : Encore de l’album Crescent : Entame en plongée abyssale et poignante dans la mélancolie, le saxo pleure, le piano s’épanche puis la rythmique bascule doucement vers un tempo aux accents afro-cubains qui allège l’atmosphère, Julien y volute à l’envi.
« Welcome » dont la version originale était sur « Kulé Sé Mama » de 1966 dont vous vous souvenez peut-être aussi de la version de Carlos Santana sur son albuméponyme. Ici le ténor butine hardiment dans les aigus (comme le maître), le piano ruisselle.
« Tristesse » composition originalede Julien Ndiaye qui, même si elle évoque la fin d’une histoire sentimentale, n’a rien de triste en réalité, c’est coloré, intense, l’apport vivifiant de la trompette de Nicolas Folmer cristallise l’énergie collective qui émane de ce morceau où Julien tord son saxo avec volubilité sensuelle et rythmée.
« Song of Praise » de J.C.1965 : Prière déchirante s’il en est : contrebasse et saxo douloureux sont l’âme de cette prière incantatoire qui nous fait mesurer l’étendue du mysticisme de J.C. à travers cette interprétation très réussie !
« Mr Day » extrait de « Coltrane plays The Blues » : Cette complexe composition à la tonalité en fa dièse a était détaillée par J.C , heureusement pour les interprètes ! Pleins d’énergie, les solos s’enchainent, les soufflants (Julien et Nicolas) rivalisant de brio.
« Impressions » de 1963 : Expressivité de Pierre à la contrebasse à l’entame avant un démarrage en trombe de Julien non sans rappeler la fulgurance du grand standard « My Favorite Things » qui a précédé « Impressions », enlevé, rapide, volubile et cash, saxo en folie, succession de solos incroyables (piano, contrebasse, trompette) avec mention spéciale pour celui créatif et très efficace du batteur Laurent Sarrien.
Bref un album à la fois hommage et diablement actuel tant par le jeu que par la créativité des musiciens. Merci Julien d’avoir osé tutoyer l’idole !
A quand une tournée aux quatre coins de l’hexagone ?
Chronique de Martine Omiécinski
Label Cdz/Jazz Family sortie 09 Mai 2025
https://www.facebook.com/julien.ndiaye