Le JazzClub du Thou, 22 janvier 2025

Le JazzClub du Thou, quelle ambiance, quel partage ! Le public le sait bien qui remplit la salle, partageant une collation avant d’écouter avec joie la riche programmation trimestrielle de l’équipe de bénévoles autour de Christian Doublet et vous dire qu’on est bien reçu est un euphémisme...

Photo David Bert

Émile Parisien, saxophone soprano
Julien Touéry, piano
Ivan Gelugne, contrebasse
Julien Loutelier, batterie

Quelques sons, l’infinitésimal, un bol tibétain, nous c’est un envol, vol plané, de grandes ailes déployées avec Pralin, Émile Parisien lance le son très loin, dans les nimbes, un lieu où la respiration est une bénédiction, où le rêve est partout. On ne sait si le corps d’Emile est le prolongement de son sax ou l’inverse, comme si le son le traversait tout du long. Les trois compagnons le suivent, allongeant à leur tour batterie, contrebasse et piano. Des aigus délicats de Julien Touéry s’allient aux clochettes de Julien Loutelier. On restera perchés là-haut dans cet éther.

20 ans d’amour, c’est l’amour fort et les compositions des quatre musiciens ne cessent de s’épurer au contact de leurs sensibilités affûtées. La délicatesse poétique de Julien Touéry accompagne les méandres habités d’Emile. Il ne faut pas s’y méprendre, le sourire et le plaisir se partagent, restent intacts. Et le résultat est cette harmonie entre les musiciens. La batterie rugit et maintient une cadence tonique au Nano fromage avec la contrebasse pour que les enluminures sculptées, exigeantes, et volontaires s’inscrivent dans l’espace. Émile scrute son instrument, l’engage à suivre les soubresauts de son âme.

Quelques touches d’électronique imitées de suite par le piano, une note suffit parfois, Tik-Tik, ça swingue par touches fines, impressionnistes, une danse lascive, silhouette imaginaire dont les ondulations réveilleraient une élégante sensualité. Les trois autres instruments dansent aussi, des notes de plaisir se superposent toujours excitées par le tik-tik de l’électro. La batterie de Julien Loutelier passe par de brillantes acrobaties, le sax multiplie les effets dupliquant l’appétit créatif, une soif irrépressible de faire chanter la musique, l’époumoner. Magnifiquement essoufflée, elle rend l’âme dans une plainte des belles rondeurs de la contrebasse d’Ivan Gelugne comme un écho désespéré de l’extase précédente. On voudrait bien mourir ainsi, entendre la beauté, percevoir le silence, espérer les sursauts, s’alanguir encore… Les notes de la contrebasse prennent le temps de s’évanouir. Et, contre toute attente, ils sortent tous quatre de terre un swing en marshmallow fondant à déguster sans fin, mordant dedans par moments pour le ramollir à nouveau. Pistache Cowboy, on se délecte.

Rondeur et nervosité méticuleuse de la batterie, la contrebasse court aussi, pendant que piano et le sax éminemment complices fragmentent, délient, fragmentent. Cadence délirante avec Émile que les accords ponctuels de Julien Touéry soutiennent. Émile explore sans cesse. Les doigts de Julien Touéry galopent,  encouragés par une batterie tonitruante et ne croyez pas la contrebasse  en reste, toujours de belles profondeurs. Wine time

Batterie et piano comme une joute ludique, la musique jaillit de mille éclats. Julien Touéry attaque les graves en une conquête continue. Puis, un instant le silence pour que naisse encore la magie du monde du quartet d’Emile. Le saxophoniste dessine des arabesques émotives, des notes remplies d’histoire, de nostalgie parfois et de jubilations dans ses abîmes. La musique ressent mais la musique raconte aussi…

Démarrage par l’électro, les fréquences nous envoient dans l’espace pour cette composition VE 1999. Effets pour le sax, on est en apesanteur, même si le piano grouille, l’ascension est décrite, étage stratosphérique par étage, s’y intègrent des nappes libres parce qu’il en est bien question ici. La batterie de Julien Loutelier défie la gravité, fusée sur orbite.

Coconut Race,  pour une course c’est une course ! Les doigts déliés de Julien Touéry battent la chamade, bien soutenus par la contrebasse et la batterie, s’y glisse alors le sax qui fait exploser son chant, logorrhée éclatante -le sax d’Émile brille toujours au firmament- son exténuant, tempo traçant son sillon ; la batterie en explose de joie, nous aussi…

Par Anne Maurellet, photo David Bert