Gazette Bleue Week-End # 16

Bonjour ! Nous vous adressons nos meilleurs vœux pour 2025 avec ce seizième numéro, qui vous propose cinq nouvelles chroniques de disques, pour passer un agréable week-end en musique. Bill O’Connell – Touch, Tomer Cohen – Story Of A Traveller, Bonbon Flamme – Calaveras y Boom Boom Chupitos, Sparkling Sessions – Copenhagen et Catalogue – Assassins. Bonnes lectures !

La rédaction.


Bill O’Connell – Touch

BILL O’ CONNELL / Piano
BILLY HART / Batterie
SANTI DEBRIANO / Contrebasse

Sympathique découverte que ce pianiste américain reconnu aux Etats Unis et dans plusieurs pays du monde mais malheureusement pas encore en France. Ce premier album sur le label JOJO Record devrait lui apporter une légitimité bien méritée dans l’hexagone tant son touché et la singularité de son jeu nous émeut.

BILL O’CONNELL est né le 22 aout 1953 à NEY YORK. Sa carrière lui a valu une renommée pour ses compétences de virtuose en tant que pianiste, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre. Il a étudié au conservatoire de musique d’Oberlin(Ohio) ayant pour objectif de devenir compositeur de musique classique .La découverte du Jazz a changé sa carrière. Il est connu pour une approche lyrique qui nous fait penser à des pianistes tels Bill Evens, Keith Jarett… Il s’est fait connaitre au début des années 1980 en accompagnant en tournée SONNY ROLLINS. Cependant dès 1977, il a évolué vers le LATIN JAZZ avec son ensemble Latin Jazz All Stars. Tout au long de sa carrière il n’a cessé d’affirmer ses compétences : composer, organiser, jouer.

Avec TOUCH , BILL O’CONNELL a envie de se ressourcer dans la pratique du Jazz avec un trio ou chaque musicien s’exprime pleinement .En mettant l’aspect ¨Latin¨ de côté ,c’est un retour aux sources et on songe aux grands trios de l’ histoire .Les musiciens se connaissent parfaitement bien ,on ressent une entente et une écoute mutuelle qui produit une alchimie musicale de haut niveau .Cette magnifique expressivité apporte un aspect ludique et jouissif du jeu :une belle énergie pétillante qui nous donne beaucoup de plaisir.

Les compositions de BILL O’ CONNELL dominent avec sept titres.

TOUCH est un de mes morceaux préféré. Une balade magnifique tout a la fois chaude et ronde, claire et profonde comme on dit d’un grand vin.
La reprise de MAIDEN VOYAGE (Herbie Hancock) est parfaitement maitrisée. Le trio excelle. Des déferlantes de notes se télescopent et on retrouve à la fin de ce morceau un petit clin d’œil au Latin Jazz qui nous donne envie de danser.
AROUND AND AROUND : quelle belle énergie, beaucoup de changements de rythme avec des tempos élevés.
SO BEAUTIFU SO SAD :O’CONNELL fait danser ses doigts, il galvanise ses partenaires. Sa musique est tout en élégance et simplicité.
EL JUNQUE composé par le bassiste DEBRIANO est un morceau lent ou le dosage est subtil avec une délicatesse omniprésente.
SEA GLASS : Joli thème qui suit les codes traditionnels. Les improvisations sont tout à fait accessibles.
La reprise de I HEAR A RHAPSODIE standard composé en 1940 (avec de nombreuses versions : COREA, KONITZ et PETRUCCIANI, SINATRA, GARNER…) est élégante et cela swing bien.
BILLY’S BLUES : Une interprétation audacieuse et déstructurée d’un blues.

La liberté créative et la richesse des influences de BILL O’ CONNELL se fondent dans toute la beauté de la musique.
Nous attendons avec impatience sa venue en France !

Par Bertrand Guillon

Jojo records

https://www.facebook.com/bill.oconnell.750


Tomer Cohen – Story Of A Traveller

Le voyageur lumineux

Il y a des musiciens brillants et des musiciens lumineux. Tomer Cohen appartient sans aucun doute à cette seconde catégorie. Avec Story of a Traveler, le guitariste américano-israélien offre un album aussi émouvant que virtuose, un voyage musical et spirituel à travers ses expériences et influences.

Tomer Cohen est un guitariste et compositeur américano-israélien, né en 1996 aux États-Unis et ayant grandi en Israël. Il a étudié le jazz au Conservatoire israélien de musique de Tel Aviv, puis a obtenu une bourse pour le New School of Jazz and Contemporary Music à New York, où il a obtenu son diplôme. 

Installé à New York, Tomer Cohen est devenu une figure prometteuse de la scène jazz locale. Il a collaboré avec des musiciens renommés tels que Shai Maestro, Obed Calvaire, Ben Wendel, Omer Avital et Matt Penman. En décembre 2021, il a enregistré son premier album, « Not the Same River », en trio avec le batteur Obed Calvaire et le bassiste Matt Penman. Cet album, influencé par des sonorités moyen-orientales, le jazz new-yorkais, le folk et le rock, a été bien accueilli par la critique et a conduit à plusieurs tournées internationales. 

Pour ce deuxième opus, Cohen s’est entouré de musiciens exceptionnels, chacun apportant une dimension unique à l’album :

Shai Maestro (piano) : Pianiste israélien de renommée internationale, Shai Maestro s’est fait connaître aux côtés d’Avishai Cohen avant de développer une carrière solo prolifique. Son jeu lyrique et sa maîtrise des nuances ajoutent une profondeur émotionnelle et harmonique incomparable. Sur cet album, il tisse une toile musicale qui soutient et sublime les compositions de Cohen, notamment dans Moving Pictures, où son toucher presque éthéré enveloppe la guitare.

Cyrille Obermüller (contrebasse) : Ce contrebassiste belge est un pilier discret mais essentiel de nombreuses formations jazz européennes. Habitué des collaborations éclectiques, il se distingue par son sens du rythme et son inventivité mélodique. Dans Pastures 2.0, ses lignes de basse évoquent à la fois la solidité d’un ancrage terrien et la fluidité d’un cours d’eau, apportant une profondeur subtile au morceau.

Gert-Jan Dreessen (batterie) : Batteur belge également, Gert-Jan Dreessen s’est formé à New York avant de devenir une figure montante de la scène jazz européenne. Son jeu, alliant précision technique et créativité rythmique, s’illustre particulièrement dans Falafel, où il insuffle au morceau une énergie syncopée, tout en restant à l’écoute des moindres respirations musicales.

L’alchimie entre ces artistes transparaît dans chaque morceau, qu’il s’agisse des échanges fluides dans Moving Pictures ou des envolées plus libres et syncopées de Falafel.

Le titre, Story of a Traveler, n’est pas anodin. Ce voyage dont il est question ici dépasse le simple cadre musical. C’est une quête introspective, émotionnelle et culturelle, portée par sept morceaux qui oscillent entre mélancolie et espoir. Cohen explique lui-même : « Chaque morceau est un chapitre de ma vie, une exploration de mes racines et de mes expériences. »

Dès les premières notes, l’auditeur est embarqué dans une traversée d’une grande intensité, guidée par une mélodie hypnotique et des arrangements subtilement ciselés. Même dans les passages les plus flamboyants, une mélancolie secrète affleure, rappelant que chaque voyage est aussi fait de pertes et de découvertes.

L’un des grands atouts de Story of a Traveler réside dans son métissage musical. Les influences moyen-orientales, jazz, folk et rock se croisent et se mêlent avec une finesse exemplaire. Ce jazz à la fois introspectif et innovant rappelle que Cohen, bien qu’encore jeune, a su développer un vocabulaire musical propre.

Moving Pictures ouvre l’album avec une conversation piano-guitare sur un fond de dentelle rythmique. Une mélodie lancinante revient comme un fil conducteur.

Falafel, plus léger en surface, révèle une face sombre dans ses nuances, prouvant que même l’espièglerie peut cacher une profondeur émotionnelle.

A View explore des territoires plus sombres et intenses, avec une virtuosité hyperbolique mais toujours contenue par une structure narrative forte.

Orev (Crow), hommage émouvant et introspectif, plonge l’auditeur dans une ambiance à la fois mystique et profondément personnelle. Ce morceau est un instant suspendu, comme un dialogue intérieur.

Pastures 2.0, revisite subtilement une composition de son premier album. Plus lumineux et résolument orienté, il évoque un lever de soleil sur des paysages imaginaires, où chaque note semble respirer la sérénité retrouvée.

Story of a Traveler, morceau-titre, déploie une virtuosité sobre et puissante autour d’un thème hypnotique, offrant une synthèse parfaite de l’esprit de l’album.

Le morceau Bait (Home), presque folky, clôt l’album sur une note douce-amère. On y retrouve une mélodie simple et accessible, mais toujours empreinte d’exigence technique et de précision. L’album tout entier semble dire que, même dans le tumulte du voyage, il est possible de trouver des instants de paix et de beauté.

Si l’on devait résumer cet album d’un seul mot, ce serait sans doute « élégance ». Chaque note, chaque silence, chaque interaction entre les musiciens est minutieusement pensée pour raconter une histoire, celle d’un artiste qui n’a pas peur de se dévoiler à travers sa musique. Avec Story of a Traveler, Tomer Cohen confirme qu’il est un nom à suivre sur la scène jazz contemporaine.

Par Pops White

Hypnote Records

https://www.facebook.com/TomerCohen46


Bonbon Flamme – Calaveras y Boom Boom Chupitos

L’univers de Bonbon Flamme est pareil à son nom : surprenant, inclassable. C’est le second album du quartet, et se place comme successeur naturel du précédent quant à la musique ; point de surprise donc. Ce quartet , c’est la rencontre de plusieurs cultures :Valentin Ceccaldi, au violoncelle compositeur de toutes les pistes de cet album, Luis Lopes , du Portugal, à la guitare, Étienne Ziemniak, à la batterie et Fulco Ottervanger , de Belgique, au piano. En complément, chacun des compères joue du synthétiseur, ce qui ajoute une composante planante à certains morceaux, en opposition à des rythmiques très marquées rock, ainsi que des riffs de guitare très incisifs.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la première écoute surprend, peut même heurter par moment, si l’on est pas habitué au choc que peut provoquer la « noise music ». Mais Bonbon Flamme , ce n’est pas « que » ça. Les pistes alternent des ambiances du type bruitiste avec des moments beaucoup plus calmes, voire planantes, qui peuvent faire penser au morceaux de Tangerine Dream, voire Gong, pour ceux qui s’en souviennent,au travers de longues nappes de synthétiseur. On peut penser aussi , sur certains passages, à la musique concrète, et à la messe pour le temps présent de Pierre Henri ; de la dissonance peut naître l’harmonie.

Et bien sûr, comme pour tout ce qui est nouveau, l’accès n’est pas immédiat ; il faut plusieurs écoutes pour commencer à y trouver l’harmonie qui peut naître du chaos. On peut penser à un concept album : ce n’est pas une succession de morceaux, indépendants les uns des autres ? C’est une œuvre que l’on doit considérer dans son ensemble.

Néammoins, on peut citer les moments forts de l’album :

Cavalera Uno : Installation d’une ambiance douce mais inquiétante au violoncelle utilisé comme une contrebasse. A la fin de ce morceau, on est vraiment déjà ailleurs.

Chupito Uno : sur une rythmique lancinante , de longues plages de notes de guitare saturée de vibrato, des montées puis descente à l’orgue. Sans doute le morceau le plus représentatif de l’univers de Bonbon Flamme.

The Ragtime Dance : très librement inspiré du célèbre morceau de Scott Joplin, Bonbon Flamme le revisite complètement et en donne une version totalement hallucinée ; on entend d’ailleurs pendant le morceau, le rag time du morceau d’origine, tel un fantôme planant sur les interventions épileptiques de la guitare de Luis Lopes, ou une version cabaret du même morceau, évoluant rapidement vers un solo de batterie appuyé par des riffs de guitare et de piano.

Una Nube Sobre Ruedas, retour au calme et aux ambiances planantes ; de longues plages de synthétiseur accompagné d’un chant langoureux et d’une batterie désynchronisée. Là encore, l’harmonie naît de ces antagonismes.

Cachorro Cuadrado , typiquement d’ambiance noise, une suite de riff guitare/synthétiseurs, évoluant vers un final cataclysmique.

Chupito Dos, de facture carrément pop rock dans un premier temps, se laissant embarquer rapidement dans un délire bruitiste, pour revenir à son ambiance de comptine pop rock en final.

Tres Calaveras, un long morceau ou Valentin Ceccaldi installe une très belle ambiance douce, mais inquiétante au violoncelle, évoquant un adieu, après une belle aventure. C ‘est en fait la même structure que le morceau ouvrant l’album (Calavera Uno).

Passez la surprise de la première écoute possiblement heurtante, Bonbon Flame mérite l’effort que l’on rentre dans son univers envoutant.

Par Pierre-Yves Miroux 

Budapest Music Center Records

https://www.facebook.com/tricollectif.fr


SPARKLING SESSIONS – Copenhagen

JAC BERROCAL : Trompette, voix

VINCENT EPPLAY : Synthé, Sampler, Efx

TZARINA re-TUNED (Tzarina Q Cut) : Tanja Schlander : Voix / Randi Pontoppidan : Voix, Efx / Jorgen Teller : Voix / Per BuhlAcs : Synthé / Jakob Draminsky : Sonic Snare (?)

Jac Berrocal, grande figure emblématique du bizarre et de l’inédit, multi instrumentiste, acteur (seulement) chez des auteurs inclassables libertaires : J.-P. Mocky et divers…, chanteur, compositeur… , jeune homme de 78 ans, qui embarque Vincent Epplay, musicien, plasticien installateur, pour une virée au Danemark, haut lieu de la jazzosphère. Ils y rencontre un groupe expérimental très actif localement, Tzarina Q Cut, pour une performance en octobre 2020 que Fou Records à eu la bonne idée d’enregistrer.

Le disque ouvre avec une formule quartet pour une suite de 5 titres enchaînés :

On y entend des voix, parlées, chantées, samplées, superposées, celle de Jac s’en mêle, des sons électro apparaissent, enrobent les voix qui s’éloignent. La trompette feutrées, avec écho, réverb., quelques boucles, rentre dans le cadre, qu’elle n’aura de cesse d’élargir. Le tissage éphémère change de couleur, semble s’assagir pour mieux nous perdre dans des méandres évolutifs et obscures. La trompette divague, navigue sur des volutes sonores diffuses, réminiscence de son davisien, ténébreux à souhait, sorte de trip d’acide en difficulté avant d’approcher une lumière bleutée appelant au silence et à la paix.

3 autres morceaux en sextet, concert du lendemain de la session studio, sorte de jam continue. Voix de présentateur qui sera récurant. Des sons traverses l’espace, voix, cris, hurlements reliés par des triturations de claviers multiples qui vont et viennent, rassurent, dispersent les repères, inquiètent… Trompette bouchée, créative de rêves spontanés, survolant l’ambiance besogneuse de destructuration du temps et de l’espace, du chaud et du froid qui ne se résoudront pas dans le tiède.

À la limite de l’inquiétant et de l’attirance.

Chez : FOU Records

Par : Alain Fleche

https://www.fourecords.com/FR-CD60.htm


CATALOGUE – ASSASSINS

Gilbert Artman : Batterie

Jac Berrocal : embouchure de trompette, voix

Jean-François Pauvros : Guitare Électrique

Un Fou Record en cache un autre. Enregistré dans les 80 (création du goupe) ?, ou début 2000 lorsque Jac est sorti de sa retraite ? Catalogue, c’est du rock. Rock pur, rock dur, primitif, primaire. On pense à ‘Hawkwind’ (rock allemand), ou à ‘Massacre’ (chez Tzadik de Zorn)… en pire, en brut.

Une ‘expérience’ telle que le concevait Jimi (Are you?)

Les frappes de batterie pilonnent le tempo, construisent et délimitent un espace tout en le détruisant à coup de masse imprécise. La guitare est rouge feu, balance des vrilles d’acier en fusion, monte haut dans les airs pour mieux asséner de violentes frasques de métal liquide se déversant dans des oreilles qui n’en attendaient pas moins. Le bout de cuivre trituré par Jac émet des vibrations presque insoutenables qui fendent l’air glauque d’éclairs sombres, réveillent les coup de boutoir des tambours maniés de haches tranchantes, de marteaux enivrés de violence évacuée. Des voix énervées, furieuses relancent la machine infernale qui ne mollit jamais. Les flammes de l’enfer s’élèvent, alimentent l’ouragan monstrueux, dévastateur. Repères, cadres, tout disparaît dans une explosion qui se dilate puis implose jusqu’au silence chargé de particules de feu en suspend.

Assassins : une tuerie !

Par : Alain Fleche

https://rythmes-croises.org/catalogue-assassins/