Jazz contemporain, musique improvisée et musique actuelle
Jeudi 13 juillet 2023

Balade Pochette surprise

Richard Comte © photo Alain Pelletier

Jeudi 13 juillet – 11h30

Richard Comte

La balade vers les ruines du château nous conduit devant Richard Comte qui évoque, concentré, en une seule note continue à l’archer sur sa guitare, le mystère du lieu. Que la note résonne, soit adoucie, soit approfondie, soit irisée, et les fantômes du passé apparaissent dans la brume, aujourd’hui généreuse. Un hasard ?…

Le peu peut tout, il suffit que l’intention du musicien rencontre exactement l’attention du public. Nos oreilles se laissent traverser par le son présent, chargé d’histoire ; un oiseau a fait soudain son miel… une pétrolette en fin de parcours, peut-être en fait un marteau-piqueur, s’étouffe. Bruitages naturels, enregistrés, on ne sait plus.

Une seule note travaillée et tout est possible, le vide, le plein, la rêverie, à vous d’inventer. Un buste se balance doucement, souvenir de l’enfant ? Certains ferment les yeux. On perçoit l’absorption progressive, nous dans le son, le son en nous. La puissance s’intensifie, une météorite s’avance terriblement et explose en nous, déflagration au ralenti la plus pénétrante. De grande poutres de métal grinçantes s’entrechoquent puis tout disparaît avec la brume !

Reste la saturation, et soudain le gave revenu..

Marie Olaya © photo Alain Pelletier

Quelques pas plus loin… à 12h30

Marie Olaya

Les sons de la guitare de Marie Olaya ressemblent à des échos dans la montagne ou à un miroir à cent facettes qui se brisent, se reflètent les unes dans les autres déformant l’espace.

Des électrons métalliques s’échappent de la guitare en la froissant, la sature, l’accélère. Rock des virages en dérapage, un couteau agresse les cordes qui s’emmêlent ainsi, fracassant les sons sur une roche.

Retour avec des effets enveloppant les retours les uns dans les autres, vagues submersibles déferlant sur la prairie. Des insectes à ressorts dévorent la guitare. Rebonds, spasmes accumulés et leur atténuation. Mélodie constamment avortée par les bombes en arrière-plan. Harmonie et destruction conjointes… Une geisha titube sur les mines.

Des étoiles filantes anarchiques s’essayent au paysage.

Pipipi © photo Alain Pelletier

Jeudi 13 juillet – 14h30

Pipipi

Laurent Paris, batterie, percussions
Brunoï Zarn, guitare bidon

Frétillements, fréquences saturées, et puis la voix de goulot d’étranglement, la guitare bidon comme support presque rassurant. Les percussions de Laurent Paris sont là pour appuyer l’instabilité de Brunoî Zarn. La voix gutturale et pourtant sensuelle vous frôle la surface de la peau, la soulève, innerve la chair, l’emporte loin, dans les songes peut-être sulfureux…

Le pouls irrégulier des percus de Laurent, le micro capteur de cymbales encourage la guitare qui lui préfère pourtant la chanson rockeuse : ils se côtoient et c’est pour cela qu’ils se rejoignent, chacun sensible à la musique de l’autre mais sans concession, et cette addition-là fait ménage.

Le regard de Brunoï est comme sa voix, perçant mais aussi un souffle glacial ou encore balbutiant comme une respiration mesurée, au bord d’une asphyxie. Les fils métalliques de Laurent grattent ainsi son Tom, arc en bois et cordes rustiques. Ne restent alors que des objets insolites aux sons railleurs ; attendent-ils la musique de Brunoï pour la trancher et finalement la faire enfler, épaissir. Les deux à plein arrondissent l’air ambiant.

La batterie se met à roucouler, l’étrangeté de la guitare de Brunoï revient, leitmotiv d’un entre-deux, entresol, entrevue.

Le vent des arbres les encourage, dirait-on. Par des effets, Brunoï Zarn dérive le son, lumière tamisée, salons enfumés infinis, portes ouvertes sur d’autres portes, pas d’issue mais on avance quand même, un peu fascinés, happés par la proposition musicale en route. Brunoï part encore dans un autre univers, angoissé par l’archet scrutateur, aux pointes arabisantes, contorsions tour à tour délicates et acides.

Les tambours appellent une voix au Haka « Il va y avoir du sport… mais moi je reste tranquille ! dixit Brunoï Zarn.

Le final ? deux explosions parallèles et concentriques et + Larsen (l’art-scène)- Libérateurs !


Balade Pochette surprise © photo Alain Pelletier

On n’oubliera pas Bouillon Brume (Anna Burlet, Camille Savoye, installation artistique et culinaire) durant la balade et ses délices paradoxaux : du consommé au champignon posé sur la roche à la friandise au chocolat noir ouvrant sur un petit glaçon accroché à une brindille en passant par le mouton-pomme de terre à la croûte de sel en trompe-l’oeil et le caillou allégé par son nuage mousseux !

Betty Hovette trio © photo Alain Pelletier

Jeudi 13 juillet – 19h – chapiteau

Betty Hovette

création autour du pianiste Don Pullen

Betty Hovette, piano
Sébastien Bacquias, contrebasse
Fabien Duscombs, batterie

Les bras désarticulés et agiles de Betty Hovette dévorent avec dextérité le piano. Après l’ouragan, des trois, la tempête, leur hommage enserre Don Pullen et sa voix. La fureur des doigts pourtant délicats de Betty transforme le piano lui-même en une révolte, en un désir de dire tant, traverser un grand pianiste pour précipiter la musique encore plus loin… Après la rythmique folle de l’introduction, ils passent tous trois aux sons préparés : chant des cordes du piano par feutre menu, batterie striée, exhumant les plus beaux sons de la contrebasse. Le jazz déborde de toutes ses limites, trépigne, déboulonne pour vouloir encore, cadence folle de retour.

C’est un mikado musical. Tous trois soulèvent les brins de notes cherchant à déplacer les autres, surtout à les éviter, à les perturber pour reconstruire une architecture protéiforme, et quand un swing apparaît sous la férule de Betty Hovette, c’est pour lui extraire tous les jus, les sucs du jazz. Son poignet retourné vole les notes pour les associer plus encore.

L’archet de Sébastien Bacquias saisit le granité de sa contrebasse, puis des myriades de spots colorés crépitent. Un son de violon sort des cordes, quelques mesures classiques s’échappent puis tressautent comme une secousse joyeuse ;  les roulis de la batterie de Fabien Duscombs adoucissent un temps piano et contrebasse. Ils vont les uns vers les autres emportant les trois instruments dans tous leurs états. 

Betty, matière liquide, aérienne, féerique nous entraîne au cœur de la musique, dans ses artères nourrissantes. D’un thème somptueux, tous trois font un désordre savant, amour fou, dévorant, tapageur. Vive la rythmique au bord du précipice ; ils sautent et les instruments se démultiplient. Démesure de la mesure.

« Spirit » répète Don Pullen. Oh oui !

Le piano préparé ricoche dans ses graves, notes au son cliquetant, la contrebasse en contre-effet joue une mélodie suave, vite avortée, toujours cet appétit de toutes les possibilités des instruments, composant sans cesse un nouveau morceau, une nouvelle dimension, d’autres perspectives à la musique. L’emballement est phénoménal, batterie comprise. Jouissance des excès constamment renouvelés, création continue, insatisfaction gourmande. 

Ils réécrivent, contorsionnent la grammaire de la musique…

Une fine cascade tombe en continu du piano, la main droite de Betty Hovette roule sur les notes, galets glissant sous la légère pression. On ressent la fraîcheur du lieu, du morceau.

Ce qui commence en ballade se transforme en équipée dans une forêt tropicale, musique luxuriante, au tempo impossible, excessif, à la sudation exponentielle. La batterie mène la danse !

Magnifique est peut-être un mot banal, peut-être, mais quand même, ma-gni-fi-que !

Grand !

Mélanie Fossier © photo Alain Pelletier

Jeudi 13 juillet – 22h30 – chapiteau

Moby Duck

Mélanie Fossier, voix
Delphine Joussein, flûte, fx
Rafaëlle Rinaudo, harpe électrique
Xavier Camarasa, rhodes
Frederick Galiay, basse
Ianik Tallet, batterie

Démarrage de bolide en forme de flûte traversière et tout explose, électrique, saturé, même la voix qui conte des fables cruelles.

 Jamais sans casserole, l’adulte aux sortilèges mettant en musique des textes de l’inquiétude, questionnement du quotidien, autodérision découpée en cinq instruments pour un monde cabossé. Ils fabriquent de l’insolite… La voix de Mélanie Fossier traverse différents registres.

La harpe est comme possédée, mouvements compulsifs, sporadiques, au bord de l’inconfort des instruments, -intéressant- Parfois ces derniers crachent : à agression du réel, réponse… extrême. Une vie automate se met en route, au swing un peu déglingue, grouillement haché du son. La chanteuse se transforme en prêtresse aux oraisons funestes… « une chèvre au fond des poumons », dit-elle.

Final en transe à hoquets. 

Original et sympathique !

Aymeric Avice © photo Alain Pelletier

Jeudi 13 juillet – 0h30 – club Maison de la vallée

Aymeric Avice : Pomme de terre

Aymeric Avice, trompette, électronique
Richard Comte, guitare électrique
Niels Mestre, guitare électrique
Etienne Ziemniak, batterie

Ils saturent l’air de la salle, les instruments à fond, ça gonfle l’adrénaline, ça vous vide de vos miasmes. La trompette  d’Aymeric Avice en respiration circulaire, tous défient l’épuisement et partant, le temps. Voilà, le feu prend, et par-dessus ça Richard  Comte et Niels Mestre à la guitare ainsi qu’ Etienne Ziemniak à la batterie prennent la main.

Jazz-rock progressif séquencé. La trompette barrit. 

C’est un tremblement continu, la suffocation de la musique, son halètement féroce, sa revendication sans concession. Puissance vitale infiniment répétitive, et nous sommes immortels. Le batteur frénétique ne lâche jamais prise.

Des corps s’agglutinent au devant de la scène, se balançant par secousses régulières parce qu’ainsi envoyée la musique est transe. Les effets distordent le temps et les ondulations électriques se croisent.

Temps 2. Il a beau être infini, il peut aussi se conjuguer… Balles de dribble. Musique rebondissante, jazz à swing rotatif, la trompette d’Aymeric Avice s’y incruste, conciliante et absorbeuse. 

La montée en intensité finit sur une gigantesque pulsion de vie ? ou veut-elle exorciser la mort.

Anne Maurellet, photos Alain Pelletier

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