Samedi 6 juillet 2024

Après une première soirée très réussie, les festivaliers étaient conviés en ce samedi 6 juillet à se replonger dans les années funk. 

Une belle cohérence programmatique avec en début de soirée un hommage à Herbie Hancock, période Headhunters délivré par la formation Hancock en stock puis une plongée dans le disco funk de Clark’s Bowling club avant de terminer la soirée dans le funk délirant de la Malka Family.

Tribute to Herbie Hancock & Headhunters
par la formation Hancock en stock.

C’est un sextet composé de musiciens toulousains qui a décidé de faire revivre l’album qui a bouleversé le jazz en 1973. Avant cela, Herbie Hancock, pianiste surdoué à la sonorité incroyable, doté d’une main gauche rythmiquement exceptionnelle, était devenu un maitre du piano jazz. Il a joué avec de grands noms comme Coleman Hawkins, Wayne Shorter, Freddie Hubbard, Dexter Gordon ou encore Miles Davis. Il décide en 1973 de donner une nouvelle impulsion au jazz et se tourne vers des musiciens de funk. The Headhunters, groupe emblématique de jazz funk est né avec un premier album Head Hunters qui connaitra un succès considérable. Avec cette formation, il touche un large public et fera entrer le jazz dans une autre dimension en donnant une place prépondérante aux instruments électroniques. Herbie Hancock enregistrera d’autres albums avec la formation Headhunters : Thrust, Flood, Man-Child, Secrets et Sunlight.

Mais, revenons en 2024 à Monségur avec la fine fleur du jazz funk français : Rémi Leclerc au clavinet, claviers, Ferdinand Doumerc aux saxophones et flûte, Rémi Savignat à la guitare, Mathieu Royer à la basse, Florent «Pépino» Tisseyre aux percussions et Pierre Pollet à la batterie.

Leur concert est un hommage à une légende vivante et les musiciens ne ménagent pas leurs effets en restituant l’ambiance psychédélique de l’album. Sur Sly, hommage au flamboyant Sly Stone, Ferdinand Doumerc arrache de son saxophone des sur- aigus inouïs, le tout sur un rythme infernal. On retrouvera plus tard ce tempo dominé par la section rythmique sur 

Swamp Rat, extrait de l’album Secrets paru en 1976. C’est très funky, rythmé, la ligne de basse tient le tout impeccablement, les effets d’écho, les riffs dégagent une énergie brute.

Un imaginaire géométrique et coloré s’installe dans nos esprits subjugués par la qualité de jeu des musiciens. Sur Spider, extrait de Secrets également, Ferdinand Doumerc est toujours aussi « monstrueux », Pierre Pollet aux percussions s’en donne à cœur joie, les effets wah-wah dynamisent le tout. On est dans un groove magistral, le public danse, le rythme est contagieux ! Nos esprits sont à l’unisson d’un rythme tribal, plongeant dans des racines africaines avant de s’immerger tête baissée dans l’univers déjanté des années 70 avec une interprétation époustouflante de Chameleon, titre phare de Head hunters. Le concert se conclut sur le luxuriant Butterfly, plus rond, plus chaud mais toujours aussi complexe à décrypter, figurant sur l’album Thrust, 

Hancock en stock a brillamment capturé l’esprit du jazz funk pensé par Herbie Hancock. Le public averti ne s’y est pas trompé en investissant en nombre l’espace de danse.

Comme souvent aux 24 heures du swing de Monségur, le samedi est l’occasion de faire la fête et d’ouvrir grandes les oreilles pour capter des sons aux confins de la galaxie jazz.


L’édition 2024 n’a pas dérogé à la règle en invitant
Clark’s Bowling Club.

Faisons les présentations de ce groupe fort sympathique : 6 jeunes musiciens, 6 copains qui composent une formation expérimentée qui a vu le jour à Montréal en 2015, leur premier album Cool Kids est sorti en juin 2017. Clark’s Bowling Club, nom à la saveur vintage fait référence à la rue Clark à Montréal et au film The big Lebowski pour le bowling. Nous retrouvons Manuel Petit aux claviers, Sabri Belaïd à la batterie, Théo Michel à la guitare, Pierre Imart au chant et saxophone, Loïc Marchat à la guitare et enfin Théo Boéno à la basse.

Il est impossible d’intégrer leur univers dans une classification musicale même s’ils revendiquent une musique « néo-soul hip-hop rétro funky décomplexée ». Les 6 musiciens s’affranchissent des codes et proposent un cocktail rythmique qui libère du groove calibré pour les « dance floors ». Ils ont jeté un pont entre plusieurs styles : On peut retrouver leurs influences artistiques dans le hip/hop Rap d’Anderson Paak, d’Électro Deluxe ou le funk festif du groupe américain Vulfpeck. Le processus créatif est collégial, le plus difficile étant de canaliser le tout !

Dynamique et enjoué, Loïc Marchat se révèle très vite un chauffeur de salle hors pair. Nous entrons avec lui dans le monde de ce groupe sur-vitaminé maintenant basé à Lyon.

Leur identité sonore atypique est servie par une captivante présence scénique. Les deux chanteurs affichent une grande complicité sur des textes scandés ou chantés aussi bien en anglais qu’en français. Et très vite, le public a eu des fourmis dans les jambes, s’est mis à danser pour pénétrer dans leur bulle festive.

Leur répertoire comprend aussi des chansons au tempo plus lent et sur bon nombre de morceaux, ils nous régalent de chorus qui valorisent le talent de chaque musicien. On retiendra les beaux solos de guitare, subtils et inventifs de Théo Michel, la qualité de jeu de Sabri Belaïd à la batterie qui impulse le rythme de manière tonique sans coup férir en sollicitant des réponses complices des claviers de Manuel Petit. Théo Boéno, à la basse n’est pas en reste pour délivrer lui aussi un beau solo. Sur un de leurs titres Just gotta live with it, ils embarquent définitivement le public dans leur univers explosif et décalé.

Leur plaisir de jouer est communicatif, ils ont même un étonnement hilare en voyant comment le public de Monségur, d’abord amateur de jazz, adhère à leur musique. Ils ont insufflé tout au long de leur concert humour et bonne humeur.

Merci Clark’s bowling club pour ce plaisir communicatif, ces échanges nourris avec un public en liesse.


Dernier concert de la soirée, la Malka Family propose un voyage à travers la funk délirante.

Avec la volonté de poursuivre la soirée sur note toujours festive, cette formation a été programmée un samedi soir à l’heure où les « clubbers » commencent à sortir du bois. Elle a vocation à toucher un public qui dépasse les frontières du jazz.

Le groupe de funk français s’est formé en 1988 autour de Joseph « Mannix » Guigui, et Laurent « Isaac » Cohen, respectivement guitariste et tromboniste du groupe Human Spirit. La Malka Family qui va compter jusqu’à 14 membres, enregistre un premier album en 1991 : Malka on the beach et après de nombreuses tournées en France et à l’étranger, se sépare en 1997, victime de son poids logistique. Après 17 ans, le groupe s’est reformé en 1998 en intégrant deux nouveaux membres : Sév K au chant et Romain van den Berg à la batterie.

Il est 23 heures, les nombreux membres de la Malka Family envahissent de leur fantaisie débridée la scène de la place des tilleuls. Ils sont une douzaine d’artistes qui arborent tous un look déjanté entre boas, tenue de Zorro, de chef de chantier, de cow boy, de clown….Un petit coté Village People pour certains !

Ne nous y trompons pas, derrière ces déguisements se cachent des musiciens accomplis. La Malka Family est une formation aguerrie qui va proposer une performance scénique et musicale pendant près de 2 heures. Les membres de cette ahurissante fratrie veulent partager avec le public leur passion de la musique funk et de la fête. On peut retrouver dans leur prestation des affinités avec l’univers de George Clinton pour le visuel et les compositions funk. Ils s’inscrivent dans sa filiation en  revendiquant des références au style P-funk qui mêle le funk à des éléments de rock psychédélique. Les morceaux se succèdent et balayent les décennies. On reconnaît Mon nom c’est Malka, Vive la teuf, Poulet cuit, Tous des ouf ! Le public debout se déhanche sur un groove dispensé généreusement. Une lumière rose et verte projette des motifs sur le mur de lierre, des percussionnistes sont invités sur scène à prolonger ce moment festif.  Ferdinand Doumerc, le fabuleux saxophoniste de Hancock en stock vient même prêter main forte à la section cuivre avec son incroyable son. 

Il faudra 3 rappels pour que le public accepte que la Malka Family quitte la scène. A cette occasion, ils interprètent LA Family et Kiss de Prince, référence suprême de tout musicien funky qui se respecte.

Nous nous quittons, repus et ravis de cette deuxième journée, sur Malka on the Beach !

 Christine Moreau, photos Philippe Marzat

Galerie photos par Philippe Marzat

Galerie photos par Alain Pelletier

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