Omar Sosa et Paolo Fresu à Eymet

« Eymet food beat »

Mardi 2 juillet 2024

Omar Sosa et Paolo Fresu sont des habitués des lieux. Déjà venus à Eymet en 2011 pour leur première collaboration sur le projet « Alma », le pianiste d’origine cubaine et le trompettiste sarde remettent le couvert avec leur troisième opus appelé « Food ».

C’est dans la grande salle polyvalente, comble où on ne trouve plus un strapontin que le concert de ce soir débute. Quelques VIP venus en voisins, Éric Seva le saxophoniste de Marmande, Philippe Vigier de France Bleu Gironde et fin programmateur du Festival de Monségur (du 5 au 7 juillet 2014) ont fait le déplacement pour ce banquet de notes.

L’entrée sur scène d’Omar Sosa, seul ou accompagné est fait du même rituel mystique immuable, bougie en mains, chassant les mauvais esprits et invitant les bonnes ondes à se joindre à la fête.

Car, oui, Omar Sosa sur scène c’est certainement une célébration, un moment heureux, de partage, nourrissant l’âme et cette fois… le corps aussi. Paolo Fresu le transalpin, ne pouvait manquer l’occasion de marcher dans les pas de Rossini avec son ami Omar.

Au menu de ce soir, un échantillonnage de Food, le troisième volet de la collaboration prolifique entre Paolo Fresu et Omar Sosa, qui prolonge les deux premiers albums « Alma » et « Eros ». Leur style reste le même, avec des phrases qui s’étirent, une beauté ingénue dans la langueur des mélodies calmes ou la douce chaleur des sons et des rythmes.

Le premier titre est particulièrement planant puis s’intensifie sur un tempo ethnique qui finit par tourner un peu funky. Le son bugle de Paolo Fresu soufflé avec pas mal de réverb se combine aux claviers d’un Omar Sosa électrifié pour l’occasion. C’est une entrée délicieusement dosée., assaisonnée avec justesse d’envolées subtiles et saupoudrée de samples.

Le second plat (« S’inguldu ») est une recette un peu plus épicée qui mélange les rythmes latinos imprégnés sur les pianos acoustique et électrique et les petites phrases susurrées par le cuivre mâtiné d’effets d’un Paolo aérien.

Paolo Fresu prend la parole : « qu’est-ce que c’est « Food », c’est de la musique avec de la bouffe… né à table évidemment », un thème à la fois intemporel et tellement d’actualité. En essence, le sarde bavard évoque les temps troublés que nous vivons, où la nourriture évoque les paradoxes de ce monde, c’est l’abondance et c’est la famine, c’est la culture, le mélange, l’importance d’une alimentation saine et la nécessité d’une prise de conscience de la situation précaire d’une production alimentaire durable sur la planète.

En effet, « Food » est une quête musicale sur le thème de la nourriture, initiée dans une envergure esthétique et éthique. Pendant toute une année, les sons des restaurants et des caves à vins ont été enregistrés, tout comme les voix de ceux qui y travaillent. On entend le bruit des pressoirs, celui des verres, le bouillonnement des fritures, le vin qui coule, des couteaux taillant les légumes, ainsi que les voix des chefs, des vignerons, en italien, en sarde, en espagnol, en français, en anglais et même en japonais. Les titres de l’album sont des histoires de recettes, d’écrins culinaires et sont composés d’enregistrements réalisés sur le terrain mixés et mis en boucle. Ils servirent de décor sonore sur laquelle Paolo Fresu et Omar Sosa ont composé. Même la pochette joue le jeu à fond, avec le visage d’une femme coiffée d’un chapeau de spaghettis à la tomate, composé par Diego Cusano.

Le troisième morceau suit la ligne sonore du précédent, quoique tiré d’un thème de Peter Gabriel dont la genèse serait trop longue à vous narrer, tant Fresu enjolive de détails l’anecdote inspiratrice. Il fallait être là (ou débusquer les prochaines dates en Italie surtout) pour en saisir tout le croustillant. « New Love In Love » poursuit le set dans la liste des agapes du soir.

« Angustia » un thème plus ancien enregistré par le duo, s’impose comme le véritable plat de résistance ; le thème joué à l’unisson donne une bonne structure, de la mâche dirait-on dans un grand vin rouge.

Soudain, le set tourne un peu plus à l’électro jazz sur un mid tempo bien cadencé par une rythmique crasse et quelques samples que les deux compères font ronfler avec gourmandise. Le côté bien « fat » des synthés se combine aux boucles de rap et aux effets ; les longues notes tenues au bugle jouent à fond leur effet « comfort food », bien rassasiant,

Après un interlude facétieux Paolo aux percus improvisées et Omar au piano acoustique, le pré-dessert s’avance ; quelques notes du concerto de Aranjuez au bugle qui ne passeront pas le cap de l’intro pour s’incorporer finalement aux garnitures des claviers… un impromptu donc. Louis XIV aurait adoré !

En dessert, la pièce montée. Sur une boucle qui joue sforzando, Omar empoigne une poêle et s’en sert de percussion. La complicité de ces deux-là est belle à entendre, aucune friture sur leur ligne.

En rappels, la chanson « A cimma », présent sur le CD, avec la voix samplée de Fabrizio De André et une seconde chanson qui fait se lever la salle… en guise de mignardises.

Dans le Sosa tout me va, dans le Fresu est doux, dans le cochon tout est bon… vous l’aurez compris, on a dévoré ce concert jusqu’à la dernière miette, et on en ressort repus, mais légers à la fois, comme à la fin d’un repas de fête.

Leur « Food » music, pour nous, les fous de musique, nourrit nos âmes, car la nourriture comme la musique, un est message d’amour aussi indispensable qu’universel.

Omar Sosa reviendra bientôt à Eymet où il est chez lui désormais. Le 19 octobre 2024, après 5 jours de résidence en sud Dordogne co-produite par Maquiz’art, il livrera un nouveau projet en duo avec Christophe Minck, un complice multi-instrumentiste à découvrir ou redécouvrir.

Cette date est à cocher d’ores et déjà sur vos agendas, mais d’autres grands moments vous attendent dans cette jolie bastide qui raisonne deux fois par mois aux rythmes du jazz ; Maquiz’art vous a concocté une saison riche, audacieuse, éclectique et accessible côté tarif. Quelques dates : Samy Thiébault (30 novembre 2024), Jean-Pierre Como (14 décembre 2024), Christophe Panzani (25 janvier 2025), Daniel Zimmermann (8 février 2025), Alfio Origlio human flow (22 février 2025), Yoann Loustalot (19 avril 2025), Fidel Fourneyron (3 mai 2025), Jacky Terrasson (17 mai 2025).

Comme chez Lidl, le Jazz à Eymet c’est le vrai prix des bonnes choses, la proximité des artistes et la chaleur de l’équipe en plus !

Alain Pelletier pour les images, Vince pour le texte.

https://www.maquizart.com/