Matthieu Donarier – Coastline
Matthieu Donarier : Sax Soprano, Compositions
Sophia Domancich : Piano
Stéphane Kerecki : Contrebasse
Simon Goubert : Batterie
Enregistré en octobre 2021, c’est un hommage au saxophoniste compositeur Steve Lacy que nous propose Matthieu Donarier qui a choisi le soprano pour se faire, dans la configuration d’un quartet apparemment classique… En fait, plus qu’un tribut à l’un de ses maîtres, c’est une histoire du jazz empreinte du souvenir de S.Lacy, chargé de son esprit frondeur, simple et spontané, par des d’échanges libres sur des compositions bien personnelles qu’illuminent, chacun à l’aune de leur art, les 4 musiciens qui n’en sont pas à leur première rencontre.
Matthieu a fait ses armes dans le ‘Baby Boom’ de Daniel Humair qui lui a fait confiance pendant une dizaine d’années, puis il rejoint Gàbor Gado, puis S.Kerecki avant de s’installer dans l’orchestre de Patrice Caratini puis dans celui de Fred Pallem, collaborations égrenées de scènes partagées avec Joachim Kühn, Pat Metheny, Chris Potter et bien d’autres… qui ont profité de ses qualités de fin mélodiste au son chaud et précis, autant au ténor qu’aux clarinettes.
On retrouve le gros son original et novateur du contrebassiste dont la maîtrise instrumentale lui a permis d’être invité par pléthore de musiciens (Dennis Colin, Yaron Herman, Daniel Humair, François Jeanneau, Steve Lehman, Michel Portal, Jacques Schwarz-Bart, Thomas Savy, Jacky Terrasson…) depuis 20 ans, et d’enregistrer sous son nom de magnifiques témoignages de son talent, inoubliables et indispensables !
On ne présente plus Sophia, qui approcha le jazz par une rencontre avec … Steve Lacy, puis joua avec des légendes de la scène ‘Canterburry’ (Soft Machine, Gong…) avant de croiser le son avec tout ce qui compte dans le jazz international moderne, dont de fréquentes collaborations, dont duo, avec Simon Goubert, maître du tempo, qui s’est fait connaître de sa participation avec ‘Magma’ suivi d’autres prestigieux faits d’armes avant de s’associer régulièrement aux projets de Sophia depuis 1999. Depuis ils tournent et enregistrent souvent ensemble.
Coastline, fine ligne imaginaire entre le connu et l’étrange, le concret et l’impalpable, frontière mouvante entre la terre, et la mer et le ciel, l’espace. Éléments serins ou tourmentés, paisibles ou déchaînés, sel marin dispersé par les bourrasques de vent emportant des nuages de sable qui envahissent tous les interstices vacants. « Lieu de ressourcement et d’incomplétude, de rêveries salutaires et de jeux insouciants. » où a grandi le saxophoniste.
Coastline est aussi une composition de S.Lacy avec lequel, finalement, chacun des 4 partage une relation particulière. Du fait, l’alchimie fonctionne sur les compos de M.Donarier, chacun se les appropriant pour en restituer l’essence de leur souvenir du maître disparu.
Il en résulte 7 interprétations de chants originaux qui font lien entre le travail défricheur de Lacy et l’actualité des 4 improvisateurs qui chantent leur sincère joie évocatrice pleine de respect et d’élan qui les poussent à puiser au fond de leurs sac à idées tout qui va enrichir les nouvelles compositions ciselées, tantôt graves, paisibles, évidentes ou joyeuses, vives ou mystérieuses.
Cette joie est perceptible à chaque instant à travers la cohésion de l’ensemble issue du profond sentiment d’amitié qui les lie. On sent surtout l’attention permanente qui anime les acteurs du projet, mêlant lecture fidèle du texte et liberté d’expression permanente. La musique se développe comme une balle rebondissante que chacun attrape au vol, la teinte de couleurs irisée, la renvoie dans l’espace où elle semble s’éloigner avant d’être cueillit amoureusement pour un lancer vers de nouvelles directions.
Belles qualités d’enregistrement qui rend bien compte de celles de ces merveilleux créateurs de sons précieux et rares, comme des métaux qui se fondent ensemble dans un athanor sans perdre aucune de leurs particularités propres.
Écoutez… vous entendrez l’âme de Steve Lacy ! Intime et généreuse, puisant son originalité dans la continuité d’une musique sans cesse renouvelée. Le jazz est là pour durer, infiniment car toujours à réinventer.
Une belle leçon !
Chez : Yolk Records/L’Autre Distribution
Par : Alain Fleche
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