SAMEDI 20 SEPTEMBRE 2025

11h – samedi église de Trois-Palis
Anne Quillier (solo)
Des lasers psychédéliques ne cessent d’emplir l’église de Trois-Palis, un swing s’installe à la respiration en pointillé, une comptine s’en échappe, même si les jets métalliques rodent.
Puis, par quelques notes, on pénétrerait dans une forêt mystérieuse, sûrement animée par quelque maléfice, une sensation gothique de roman tourmenté, un orgue lointain en superposition donne des notes d’espoir, les sons s’étirent, vibrent, peu à peu, se fragilisent. La part enchantée revient, des filets d’or parsemés ici et là finissent par s’agiter éclairant la composition. Une fête s’invite, plus loin, dans une clairière, des elfes y danseraient, folklore magique, des gouttes de rosée, çà et là, laissent place à des vapeurs sulfureuses, son amplifié et déformé, des répliques d’un séisme inconnu, à la propagation inquiétante. Une alerte en fond prévient du danger imminent, électronique versus clavier, implacable, mesure inhumaine, sur les méandres de l’être, en tous cas avec l’apaisement comme seule issue. Le clavier s’adoucit -libéré ?- une marche solennelle comme une réconciliation des paradoxes.
Anne Quillier semble prendre un autre chemin, même si le fantastique se maintient, la richesse d’une sérénité swingue, lumières miroitantes, reflets innombrables dans une onde aquatique, plus charnelle. Nous prend-elle par la main ? On la suit…
L’espace s’assombrit, des cercles menaçants s’élargissent, un purgatoire terrestre, l’ouverture à notre monde contradictoire qu’il faut bien éprouver ? Les fréquences s’étalent.
A méditer…

20h – Foyer communal
Sylvain Kassap, Hélène Labarrière
Sylvain Kassap (clarinettes)
Hélène Labarrière (contrebasse)
Une contrebasse dans les nimbes, veloutée, laisse s’immiscer la clarinette basse de Sylvain Kassap, d’abord sporadique puis vibrionnante, les deux se retrouvent par endroits, précis dans leur complicité. Pourtant, chacun son langage, Une cure d’inefficacité, l’obscurité à pas menus par la contrebasse d’Hélène Labarrière, les couleurs et tessitures variées avec la clarinette. Ils n’ont de cesse de se rejoindre et d’approcher leurs sons.
La musique sonne puis se tait, des ruptures nécessaires pour que s’opposent longuement les sons, logorrhées circulaires pour la clarinette, Sylvain Kassap découpe et dédouble sa clarinette, une conversation obstinée pour la contrebasse d’Hélène Labarrière. L’archet vient entêter l’instrument, matière à des souffles venus des Andes, peut-être bien, la contrebasse s’enfonce dans sa répétition et libère la fantaisie d’une flûte frivole. Des murmures musicaux de part et d’autres pour s’entendre davantage encore, faire lien dans les différences et partager ainsi, voire se ressembler. Des sortes de chants venus d’ailleurs semblent naître alors, cheminer et s’évaporer. La contrebasse lance des sons, tour à tour, qui s’élancent à l’infini ou s’estompent, un swing en souterrain, devenu prétexte à la clarinette.
Crinière pourrait raconter les bruits du silence ou bien les atermoiements de l’attente, regard curieux, interrogateur, notes frappées et effleurées par Hélène, bois caressé offrant à la clarinette la créativité désirée.
Asphyxie climatique, morceau de l’étouffement, les instruments et les musiciens toussent, s’asphyxient. La recherche d’un filet d’air les fait frémir, quand il arrive, c’est la frénésie, le ronronnement et puis une hystérie bien ordonnée. Poumons euphoriques, quelques spasmes tout de même, et la libération, à moins que ça ne recommence…
Des sons longs pour la contrebasse d’Hélène Labarrière, des trépidations, des frétillements pour la clarinette basse de Sylvain Kassap suivis d’irisations, et désir de labyrinthe à traverser précipitamment, des balles de caoutchouc dans des tuyaux en plastique, anarchiques, oui, toujours à la clarinette basse ! Et en réponse un son plein, un air qui voudrait dire sa belle lassitude, ses espoirs, son exténuation, You… La contrebasse rebondit à son tour grâce à l’extrémité toute ronde d’une baguette.
Trente-cinq ans de jeu commun, et quelle complicité ! Et l’acoustique qui restitue leur authenticité, leur vérité, leur sincérité

22h – Foyer communal
Hasse Poulsen, « Unknown winter »
Hasse Poulsen, guitare
Frederik Lundin, sax
Tomasz Dąbrowski, trompette
Le vent dans la trompette de Tomasz Dabrowski avant une entrée tonitruante. Faut pas s’y méprendre, quand la guitare de Hasse Poulsen démarre, il y a quelque chose de sauvage, une beauté authentique. Un Drum solo.
Counting stars, magnifiquemorceau, à ouvrir les yeux pour observer la voie lactée, une guitare constante à la tendresse contaminante, une trompette énergique, le sax de Frederik Ludin conteur d’histoire, puis les trois enlacés.
Des instruments qui éructent, vocifèrent, du swing, en voilà, du plus doux à l’explosion, et ainsi de suite, On the walls.
Les deux souffleurs en parfaite adéquation, aux sons longs, identiques, la guitare en incrustation psychédélique…Des Wasp and Butterfly.
Pour Shadow, my sweet nurse, toujours de front, trompette et sax longent la guitare. Une belle mélodie, grave, hymne à la vie, à la nature et salutations à la mort qui viendra avec en lecture préalable incarnée par Hasse Poulsen de quelques vers d’un poème de George Peele, Hot sun, cool fire. Les sons offrent à leur tour leur grâce, que cela vienne du pavillon de la trompette de Tomasz Dabrowski ou du doigté précis et délicat du sax de Frederik Ludin, la guitare enroule ses lianes lyriques et poétiques autour de nous.
Des accords répétés, afin que de la scansion s’extraie le suc de la musique, son nectar, au choix, que la folie s’empare des instruments, trublions aux extrêmes et que ne reste que le pouls de la guitare de Hasse Poulsen.
Le souffle oriental du sax de Frederik Ludin répand un sable ocre alentour pour Any bright eye, des nuées de sons s’affolent, trompette et sax se trouvent pour une harmonie totale, une mélodie à l’esthétique sculpturale, une longue méditation ; ou préférez votre panorama favori et contemplez, comme ils le suggèrent…
Bien sûr que les titres sont des états de la nature, l’observation du vivant, sa restitution onirique. Dark moon n’y déroge pas. Le chaos peut exister, sinon les éléments s’insurgent, alors les instruments traduisent l’insolite, le désarticulé, le bancal.
Il faut être porteur d’une grande sensibilité pour ressentir le monde ainsi et traduire ses perceptions musicalement. Pour Unknown winter, les instruments s’enfoncent dans un brouillard, une guitare désireuse et inquiète, deux cuivres veilleurs d’obscurité.
Un moment dans l’absurdité du monde transformée en fantaisie, Survival of the fattest, Hasse gratte vigoureusement sa guitare pendant que la trompette jazze en tous sens, de guingois.
De la spiritualité dans les églises sûrement, mais aussi dans les clubs de jazz nous raconte malicieusement Hasse avant de jouer. A chacun son Holy room qui en a ici la solennité, une marche à pas lents, une réflexion respectueuse, aux accords pondérés, la trompette manifestant la transcendance, faite art, donc.
En rappel, un blues portant les mots précédents du poème du seizième siècle chantés par Hasse Poulsen accompagné par ses deux somptueux acolytes.
On ne s’en lasserait pas !
Par Anne Maurellet, photos Alain Pelletier (tamkka)
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