34e festival d’altitude à Luz-Saint-Sauveur

DIMANCHE 13 JUILLET 2025
11h00 – Chapiteau

Marta Warelis & Andy Moor

Marta Warelis : piano
Andy Moor : guitares

Le piano préparé de Marta Warelis et la guitare secouée d’Andy Moor entament des frémissements de sons, le métal des cordes en référence et réflexion, des accords frénétiques et répétitifs ainsi qu’une  brosse tapant le manche de la guitare puis maltraitant les cordes, grêle contre bruine.  Une guitare dramatisée, en montée en puissance, des tremblements de terre, une lave prête à se répandre ou le chaos, une descente aux enfers prodigieuse. 

Juste après, c’est un univers ouaté, où quelques cordes sont désaccordées, où les accords sont fébriles et frénétiques à la fois pour les deux musiciens en corrélation permanente, à l’affût de la folie musicale de l’un pour rencontrer l’autre. La guitare s’hystérise, sillonnée puissamment par Andy Moor, deux mesures rock d’un passé révolu, l’immédiat de l’extrême agit, turbulences, tornades, violences. 

Veulent-ils ensuite atteindre l’infiniment petit, la pianiste sourit en démembrant ses cordes, le monde grouille de sons métalliques à récupérer. Une scie électronique strie les cordes du piano, la guitare ferraille, implacable, les mesures du chaos font leur retour !

De minuscules déflagrations opèrent, des goulots d’étranglement affolent les liquides qui s’y précipitent, les instruments finissent par en frissonner, les sons frétillent, s’évadent, s’enroulent en spirale, des tapotements sur le bois rôdé de la guitare. 

Accélération totale des deux, une météorite en approche, montée chromatique puis dérèglement absolu ? Explosion en vue ? Non, un glas dans le manche de la guitare d’Andy Moor, le piano de Marta Warelis agonise dans ses aigus. 

Fa-bu-leux !

Nous restons bouche bée.


12h00 – Parc Massoure

Emma Fischer & Terrie Hessels

Emma Fischer : live painting
Terrie Hessels : guitare

Performance

Le temps de la peinture peut-il être celui de la musique. L’improvisation les associe, évidemment. 

Les effets de  la guitare versus le choix de la matière, de son traitement, son mouvement. Oeil et oreille se superposent, les variations de la guitare de Terrie Hessels et les déplacements constants du musicien attisant les méandres des peintures d’Emma Fischer.

La peinture est une musique, la musique est-elle une peinture ? L’abstraction favorise-t-elle la juxtaposition des deux ?

Les fantaisies créatives de l’un peuvent-elles influer sur l’approche de la toile pour l’autre ?

Y a-t-il finalement une contrainte à l’immédiat…


14h30 – Espace contemporain Le Hang-Art

Félicie Bazelaire « Otos »

Félicie Bazelaire : électronique
Exposition de gravures de Jing CHEN 

Des contrebasses en électro, ça ressemble à une usine métallurgique ou l’activité fourmilière d’une extraction de minerais ou encore un tsunami dévastateur . Les vibrations des cordes électronifiées sont des lignes d’horizon multiples sonores, déformées par un soleil difforme. 

Un balai raye le sol, l’archet qui attaque des cordes sans doute. La musique devient images virtuelles pourtant visuelles, presque palpables. Des roulements de boules alourdies apparaissent dans cet espace, grandissant démesurément pendant que des notes cherchent leur place. Un lever de soleil tente une percée, un pouls distendu bat la mesure, un paquebot réclame au loin, les roues d’une locomotive électrique reviennent en leitmotiv, obsédantes, désespérées, gravant leur passage sur des rails fatigués. Leur ligne de fuite ne cesse d’être repoussée. Focus sur l’engin en cavale.

Les sanglots longs des violon-celles balayent un ciel tourmenté. Les rebonds des archets montrent leur fragilité, l’un s’émancipe, révolté, les engageant à faire de même afin de remplir l’espace. Les cordes semblent grincer d’effroi. Tout devient trajectoires désordonnées, faisceaux lancés dans le vide. Puis des grésillements, une contrebasse en désespérance, un point de suspension.  Une respiration atténuée.


17h30 – Maison de la Vallée

Hommage à Barre Phillips

Vincent Ferrand : contrebasse, voix
Lê Quan Ninh : percussions
Catherine Jauniaux : voix
Emmanuelle Pépin : danse

Ils ont commencé par fermer les yeux. Le silence est le premier instrument. Un cri, un geste, et le visage de Lê Quan Ninh effleurant sa grosse caisse. Des souffles bruts, chacun à l’écoute de l’impro de l’autre. La voix de Catherine Jauniaux pour une tribu oubliée, indienne, le vent, des flûtes de bois ou bâtons brassés sur le sol, la contrebasse de Vincent Ferrand en furie,  voix nasillarde comprise : les éléments  se déchaînent, électrons dans leur folie. Les voix de Vincent et Catherine ouvrent des mondes imaginaires habités par des esprits ; petit filet spirituel, comme un maître japonais pour Vincent,  ou jets d’onomatopées, voix ancestrale pour Catherine. L’étrange, les bruits inhabituels ou plutôt que l’on ignore prennent place ici dans une chorégraphie de sons, chacun attentif à la proposition des autres. La danseuse Emmanuelle Pépin les représente aussi dans une belle tension. Les quatre font et défont un puzzle. Les sons se décomposent, sont écartelés, redistribuent la notion de temps et symbolisent un espace immatériel…

Le silence encore. Peut-être la nuit. Que le monde s’éveille à une autre philosophie, à une certaine précaution, à l’abandon des certitudes, à l’ouverture à l’étranger, comme faisant partie de nous alors qu’ on l’ignore parfois.

Ils referment les yeux. 


21h30 – Chapiteau

Isabelle Duthoit & Biliana Voutchkova

Isabelle Duthoit : clarinette, voix
Biliana Voutchkova (Bulgarie) : violon, voix

Il  suffit d’écouter, d’admirer la faune en liberté qui sort de la gorge d’Isabelle Duthoit pour magnifier la joie à laquelle tient Biliana Voutchokova qui susurre en prolongement de son violon, deux mondes vivants. Regardez ces petites macaques surgir des cordes du violon et identiques de la bouche expressive d’Isabelle. Vous êtes déjà fascinés par la gestuelle, mains et bras pénétrés par le son produit. Des oiseaux étalent leurs ailes au soleil, les bruits de la forêt se détachent peu à peu, remplissant nos âmes d’une nature généreuse, curieuses, aux tonalités si riches qu’un violon s’y accroche, et si quelques uns n’existent pas, elles les inventent ici sous nos yeux ébahis et rêveurs. Sentez-vous les bruyères géantes vous caresser les jambes, sans doute. 

Les craquements du violon rencontrent les rires sarcastiques des singes, des bêtes poussent des grognements rauques parce que la forêt si on la respecte reste mystérieux et magique, ce qu’il nous faut conserver pour survivre, un imaginaire fantasmagorique et pourtant en lien étroit avec la Terre. La création avec le risque crucial de l’improvisation est la preuve cruciale de sa nécessité. Elle nous sublime, et provoque l’espoir. 

Clarinette et voix conciliabulent, le violon s’y insère, la voix murmurante de Biliana comme un filet de joie continue ; si l’on est observateur, sûrement que des esprits malins apparaissent, s’expriment et disparaissent. Des coques éclatent ici et là mûries par le soleil, des éclats lumineux changent le relief du lieu, violon inclus, détails, fragments de vie, diversité bienheureuse. De l’hétérogène, de l’hétéroclite naît la vie. Les deux instruments soufflent la brise, réveillent des animaux sauvages, à la liberté émancipatrice. 

Du cri primitif à l’art , quel trajet ?

Félicie Bazelaire entre en scène. Le violon de Biliana accompagne une voix enfantine, Isabelle est devenue un pouls matriciel grognant, grondant, de sombres oiseaux qui grésillent emplissent l’espace, par nuées successives. Les violoncelles tourmentés de l’électro flottent maladroitement ,tout déraille, fissures sonores, sporadiquement, déchirant le ciel, le violon trace un sillon infini, la voix d’Isabelle suffoque. 

Un dernier soupir…

Inoubliable 


23h30 – Chapiteau

The EX

Arnold de Boer : guitare, voix
Terrie Hessels : guitare
Andy Moor : guitare
Katherina Bornfeld : batterie

Laissez tomber les chakras. Là, ça sert à rien ! Deux guitaristes dans la totale liberté de leur instrument, d’ailleurs ils volent sur scène, Arnold De Boer chante avec sa puissante pudeur, la batterie ferruge. Andy Moor maintient constamment une tension extrême. 

Musique de révolte,  où les corps donnent tout autant que les instruments. 

La batterie veille sans cesse rebondissante. Laissez la tête se remplir. C’est du fou. Curieusement, ça ne peut que vous rendre meilleur. La subversion, ça nettoie. Non ?

Une baguette à taper sur les cordes de la guitare de Terrie Hessels des pulsations à vous innerver le corps qui aurait pu s’oublier dans l’inertie,  l’endormissement…

P’tet’ bien une pensée totale The EX et depuis 45 ans. 

Xavier Charles invité, on ne va pas se priver de ce plaisir-là ! De la dentelle sur des crêtres, une seconde d’ajustement et c’est parti ! 

Ils découpent, ils frisottent et comment !

Jouissif !

Jazz  à Luz, quelles joies, quelles découvertes, quelle union ! Une superbe programmation !
Et un accueil👌 Merci à tous !

On pense déjà à 2026. Ben, oui ! Et, pas question de lâcher…

Par Anne Maurellet, photos Alain Pelletier (alias tamkka)


Galerie photos